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Kenya : des colliers GPS pour suivre les éléphants et les protéger d’un chemin de fer.

elephants

De la porte de l’hélicoptère qui survole le parc du Tsavo, dans le sud-est du Kenya, surgit un fusil longue portée. Le tireur n’est pas un braconnier mais un vétérinaire chargé d’anesthésier des éléphants pour les équiper ensuite d’un collier GPS.

Plus de 12.000 éléphants vivent dans le Tsavo, quotidiennement menacés par le braconnage, mais aussi depuis peu par la construction d’une nouvelle voie de chemin de fer capable d’accueillir des trains à grande vitesse.

Cette voie ferrée devant relier sur 483 km le port de Mombasa à la capitale Nairobi inquiète les associations de défense de la nature, qui craignent qu’elle ne vienne perturber les déplacements des éléphants dans ce parc, le plus grand du Kenya.

Les colliers que le Service kényan de la faune sauvage (KWS) et l’organisation de défense des éléphants Save the Elephants ont commencé à placer en mars sur les pachydermes doivent permettre de suivre leurs mouvements, pour déterminer en quels endroits ils croiseront la ligne de chemin de fer.

“C’est le premier projet de ce genre au Kenya et même en Afrique”, explique Benson Okita, de Save the Elephants. “Il cherche à comprendre comment les mouvements d’éléphants sont influencés par un grand projet d’infrastructures”.

L’enjeu est d’autant plus important qu’une autoroute à six voies sera ensuite construite sur le même tracé et coupera à son tour le parc du Tsavo, qui couvre quelque 22.000 km² et est déjà constitué de deux parties, est et ouest.

Environ dix minutes après avoir été atteint par une fléchette tirée depuis l’hélicoptère, le pachyderme titube, puis s’effondre, endormi. Les équipes au sol se précipitent. Elles n’ont que vingt minutes pour placer le collier avant que l’animal ne s’éveille.

Chaque éléphant doté d’un collier apparaît sur une carte où on peut suivre ses déplacements. Cette carte montre aussi que les infrastructures modernes empiètent de plus en plus sur la nature.

Crémation d’ivoire –

Ce système “permettra au pays de réserver de l’espace pour la faune au fur et à mesure de la croissance démographique de la population kényane”, veut croire le directeur adjoint du KWS en charge de la préservation, Patrick Omondi.

Si le suivi porte initialement sur les éléphants, il permettra aussi de mieux comprendre les mouvements des autres animaux : “Cela nous donnera une indication sur la manière dont la répartition générale de la faune est affectée”, souligne Sospeter Kiambi, qui dirige le programme du côté du KWS.

Il reste environ 470.000 éléphants en liberté sur le continent africain, selon l’ONG Elephants Without Borders, mais plus de 30.000 sont tués chaque année en Afrique pour alimenter un trafic mondial d’ivoire à destination essentiellement de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, où un kilogramme d’ivoire brut se négocie environ 1.000 euros.

Le 30 avril, le Kenya a prévu d’organiser la crémation d’environ 105 tonnes d’ivoire – sept fois la plus grosse quantité brûlée dans ces circonstances – et 1,35 tonne de corne de rhinocéros. La cérémonie, qui devrait être conduite par le président Uhuru Kenyatta, en présence de plusieurs chefs d’Etat, militants de la protection de la faune et célébrités, vise à dénoncer les ravages du braconnage.

Mais le Kenya doit aussi, comme tout pays, trouver le juste équilibre entre développement économique et protection de son exceptionnelle nature.

’L’express lunatique’ –

C’est pour favoriser les échanges commerciaux et conforter son statut de grande puissance régionale que le pays a ainsi lancé en 2013 la construction d’une voie de chemin de fer d’un coût de 13,8 milliards de dollars (10 milliards d’euros) financé par la Chine.

La ligne doit à terme s’étendre jusqu’en Ouganda et être connectée à d’autres prévues au Rwanda et au Soudan du Sud.

Elle remplacera celle construite au XIXe siècle sous le pouvoir colonial britannique, connue sous le nom de “l’Express lunatique” en raison de la lenteur du train qui y circulait.

Ce train pouvait de temps en temps coûter la vie à un animal, mais il était loin de représenter la même menace que la nouvelle ligne : risque de percuter des éléphants, de séparer des troupeaux…

Si des passages souterrains ont été creusés et des ponts surélevés pour faciliter le passage des animaux, l’inquiétude persiste toutefois, surtout sur l’impact qu’aura la future autoroute (danger en cas de collision entre un véhicule et un éléphant…)

Des ponts du même type seront utilisés quand la ligne de chemin de fer traversera le parc de Nairobi, habité par des lions, des buffles ou des rhinocéros et d’une superficie de 117 km2 à moins de 10 km du centre-ville de la capitale.

Le fait que la ligne traverse ce parc a fait l’objet d’un débat mais cette option reste la plus directe et la moins compliquée à réaliser.

Ce chemin de fer “est peut-être le projet le plus important dans le secteur des transports pour le Kenya depuis la construction de la première voie ferrée au début du XXe siècle”, souligne Iain Douglas-Hamilton, le fondateur de Save the Elephants.

Il espère que des initiatives comme ces colliers GPS pour les éléphants pourront “influencer la manière dont le développement (économique) est mené”. Si tel est le cas, “alors nous sommes vraiment sur la bonne voie pour assurer à jamais l’avenir de la faune”.

 

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