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Les femmes de Cibitoke : entre courage et préjugés

Elles sont nombreuses à chercher leur autonomie économique : qui dans le commerce, qui dans l’agriculture et l’élevage, d’autres dans les métiers restés longtemps la chasse gardée des hommes, notamment la maçonnerie. Malgré cette détermination, les femmes de Cibitoke (Nord-Ouest du Burundi) restent dans le bourbier des préjugés, entretenus à tort par les hommes. Au bout du compte, certaines parviennent à résister….

 

Les femmes de la province Cibitoke ont déjà compris qu’elles doivent luter pour leur autonomie en vue de faire respecter leurs droits, malgré les barrières culturelles et les préjugés qui font obstacle à leurs projets. Avec un petit capital, elles sont nombreuses dans l’agriculture, le commerce, et en petit nombre dans les métiers traditionnellement réservés aux hommes.

« N’ayant rien pour garantie aux banques ou aux institutions de microfinances, les femmes s’organisent et s’associent les unes aux autres pour avoir un capital, qui n’excède pas généralement cinquante mille francs burundais. Il en découle logiquement que les produits avec cette somme seront d’une infime quantité », mentionne Nduwimana Florent, membre d’une association locale. Audace Nahimana, chef de colline Cibitoke, pointe du doigt l’interférence des hommes dans toute entreprise de leurs femmes qui va jusqu’à la ruine : « Certains hommes constituent un véritable handicap à toute entreprise de leurs femmes. Ils réclament que l’intérêt de leur travail leur soit versé, et la spoliation de tout le capital n’est pas exclue.

A cette attitude de certains hommes, s’ajoute la résignation aux préjugés et au poids de la culture :« Avant toute entreprise, la femme doit avoir l’aval de son mari », affirme Sinigirira Chantal, commerçante de riz au marché de Cibitoke. Il n’est pas question de faire du commerce loin du ménage, en particulier au-delà des frontières du Burundi, le mari croirait que vous y allez pour des raisons inavouées ; c’est une affaire réservée aux hommes car ce sont eux la tête du ménage », poursuit-t-elle.

Malgré les embûches, la persévérance paie

« J’avais toujours rêvé être maçon, mais mon mari me disait qu’il n’acceptera jamais que je franchisse l’échelon d’aide-maçon. Et là aussi, je ne dépasserai jamais les limites de la commune Rugombo. Aussi, les hommes qui sont nombreux dans le métier exigent-ils parfois aux femmes de coucher avec eux comme condition d’initiation. J’ai persévéré, et j’ai été finalement intégré dans le cercle des maçons. Avec l’argent du métier, j’ai construit une maison, et c’est à partir de ce moment que mon mari a apprécié ce que je faisais. Aujourd’hui, je vais partout dans le pays et même à l’étranger sans soucis, et je dois cela à ma détermination », témoigne Ntakirutimana Christine, une femme-maçon de la commune Rugombo.

Même témoignage que Ndayishimiye Odette, qui fait la grillade de viande au chef-lieu de la province Cibitoke. Elle affirme avoir résisté aux dires des gens selon lesquels une femme qui est capable d’abattre une chèvre pourra tuer son mari à coups de couteau. « Mais un homme qui dépèce une vache ne pourra-t-il pas tuer sa femme ? », conclut-elle par cette question dont la réponse semble claire.

Dans tous les cas, même si la volonté d’atteindre l’autonomisation financière de la femme est réelle, il n’en reste pas moins évident que les barrières culturelles freinent cette volonté que tout le monde devrait soutenir, en particulier les hommes.

Radio Culture/SFCG-USAID, projet TUYAGE, mars 2022

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