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Mugina, Cibitoke : Jovith Bayavuge, un parcours de référence

Ancienne Administrateur de la commune Mugina, Jovith Bayavuge s’est illustrée dans sa localité par son leadership exemplaire et son combat pour la protection des droits des femmes, notamment la lutte contre le concubinage et la polygame qui font légion dans sa localité.  Selon elle, le concubinage est une source d’instabilité pour les ménages. Elle a ainsi mené beaucoup d’actions contre ce phénomène. Des membres de sa communauté saluent ses actes qui resteront gravés dans leurs mémoires.

Jovith Bayavuge, âgée de 66 ans, est originaire de la commune Rugombo en province Cibitoke. Elle est mariée à Patrice Bugaboburirwa résidant sur la colline Rugajo de la commune Mugina et mère de six enfants. Elle a fait ses études primaires au chef- lieu de la province Cibitoke. A la suite de la crise socio-politique de 1972, Bayavuge a dû se réfugier au Rwanda où elle a poursuivi et terminé ses études en économie. Elle a regagné le pays en 1993 et a été vite engagée en tant que comptable de la commune Mugina, poste qu’elle a occupé de1994 jusqu’en 2004. C’est en 2004 qu’elle fut nommée pour la première fois Administrateur communal et a exercé pendant une année deux mois avant les élections de 2005. Madame Bayavuge devient ainsi la toute première femme à diriger une commune dans la province de Cibitoke.

Après les élections de 2005, madame Bayavuge n’a pas eu la chance de garder sa fonction. Elle s’est alors orientée vers des associations qui se focalisaient sur des œuvres caritatives envers les personnes vulnérables, surtout les femmes issues des ménages pauvres.

En 2015, alors qu’elle s’y attendait le moins, madame Bayavuge se vit reprendre ses fonctions d’Administrateur : “Je n’avais pas déposé de candidature. Des gens sont venus me dire que tout le monde s’était accordé sur ma candidature, proposée par d’anciens collègues et amis. Ils affirmaient avoir la nostalgie de mon époque et qu’ils pensaient que j’avais fait un bon travail. Voilà comment j’ai réintégré la fonction d’Administrateur pour la période 2015 à 2020.”

Avec ce deuxième mandat, ayant une expérience personnelle acquise des associations sur les défis des femmes et la violation de leurs droits, madame Bayavuge s’est illustrée dans une lutte acharnée pour éradiquer la polygamie et le concubinage. Comme elle-même le témoigne, « Un époux marié à plus d’une femme est à l’origine de pas mal de problèmes au sein des ménages. Il fait beaucoup d’enfants qui, souvent n’ont rien à mettre sous la dent. Ils deviennent délinquants et n’étudient pas. Quant aux couples en unions libres, ils se disloquent facilement et c’est la femme qui en paie un lourd tribut ».

En tant que femme leader, madame Bayavuge pense que son sens de leadership n’est pas quelque chose d’acquis mais que c’est plutôt inné :  “Je ne sais pas à quand ça a commencé. C’est depuis mon jeune âge. À l’école on me désignait comme déléguée de classe. Dans les mouvements d’action catholique, l’on me confiait des responsabilités.”

Alors que certaines filles se considèrent moins capables que les hommes, madame Bayavuge n’a jamais constaté une différence fonctionnelle entre un garçon et une fille : “À l’école primaire, nous jouions aussi au football considéré comme un jeu réservé aux garçons. Nous avions une équipe de filles. Je n’ai jamais remarqué ce qu’un garçon peut faire qu’une fille ne peux pas faire.”

Au début de sa nomination, certaines personnes ont tenté de la déstabiliser comme quoi une femme ne peut pas diriger une entité administrative aussi grande qu’une commune mais cela ne l’a pas découragé. « Les trois premiers mois de ma nomination ont été durs. Certaines gens ne comprenaient pas qu’une femme peut diriger. Même mon prédécesseur ne supportait pas d’être remplacé par une femme ».

Un apport bien apprécié

Le courage et les actes de madame Bayavuge ont changé la vie des citoyens et restent gravés dans la mémoire des membres de la communauté.

Madame Safi Nizigiyimana témoigne qu’elle a pu sortir de son silence grâce aux conseils de madame Bayubahe : « J’étais souvent découragée. Quand je me suis rendu à son bureau pour lui demander des conseils, elle m’a demandé pourquoi je ne présentai pas ma candidature comme femme leader. J’étais touchée que ce soit une femme comme moi qui me rassure. Cela m’a beaucoup encouragée et j’ai présenté ma candidature. J’ai été élue parmi les cinq élus collinaires. Il y a même des candidats masculins que j’ai dépassés en termes de voix. C’est grâce à madame Bayavuge que je suis ce que je suis ».

Monsieur Stany Bambara, un des administrés de cette commune âgé de 72ans, reconnait l’apport de madame Bayavuge dans le développement lors de son mandat : « Nous nous souvenons d’elle de par ses actes. Elle a vraiment bien travaillé. C’est elle qui a réhabilité la résidence de l’Administrateur qui avait été endommagée lors de la crise ».

Vu les réalisations de cette femme leader pour la promotion du genre, le responsable de la Direction Communale de Développement Familial à Mugina, Monsieur Joseph Sindakira plaide pour un soutien des femmes comme madame Bayavuge :« Le renforcement du leadership des femmes a un rôle important dans le développement. C’est une opportunité pour les autres femmes pour s’exprimer facilement en prenant l’exemple de la femme leader. Il faudrait mener un grand plaidoyer afin de favoriser les candidatures féminines surtout lors des élections. »

Le fait d’avoir été Administrateur n’a rien changé dans la vie quotidienne du couple de madame Bayavuge comme le confirme son époux Bugaboburirwa Patrice : « Notre manière de vivre pendant les fiançailles n’a jamais changé même après notre mariage. Il y a même ceux qui disent que je suis dominé par ma femme, mais ça ne me fait rien. Qu’elle ait des fonctions publiques ou non, cela ne m’a jamais perturbé. Même quand elle était encore Administrateur, je pouvais lui demander de me préparer à manger elle-même et elle le faisait avec plaisir. »

L’administration provinciale à Cibitoke juge que le leadership de madame Bayavuge a servi d’exemple pour la promotion d’un leadership féminin au niveau de toute la province. Le Gouverneur, Carême Bizoza, souligne : « Nous remarquons que les femmes s’intéressent plus aux activités de développement. Dans les entités dirigées par les femmes, les changements sont remarquables surtout dans la lutte contre le concubinage. J’encourage les femmes à se faire élire ».

Satisfaite mais reste sur sa soif

Malgré son apport dans sa communauté, madame Bayavuge reste sur sa soif en ce qui est de l’aboutissement de la lutte pour le bien-être de la femme qui reste pour elle un combat : « Je ne rêve que le bien-être de la femme dans son ménage. Si une femme vit dans de bonnes conditions, ses descendants auront une bonne éducation grâce au bon exemple dans un foyer stable. »

 Aujourd’hui à la retraite, Madame Bayavuge est toujours considérée comme une femme modèle et une référence dans sa communauté.

Par Alice Ndayizeye

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