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Musigati : Une idée d’une femme change la vie des Batwa

Touchée par la situation de misère des Batwa (une des composantes ethniques marginalisées au Burundi) de sa localité et choquée de voir certains ménages autochtones manquer des moyens pour les funérailles de leurs, une femme résidant sur la colline Gahise, dans la province Bubanza a décidé d’agir : depuis bientôt cinq ans, elle a organisé une trentaine de femmes Batwa et a commencé une briqueterie. Certaines femmes autochtones témoignent de leur satisfaction et confirment avoir renoncé à la mendicité qui constituait, à côté de la poterie, leur mode de vie. L’administration locale admire l’initiative et promet de l’étendre sur d’autres collines.

 

Lidwine Bigirimana, une sexagénaire de l’ethnie hutu, mariée à Gahise depuis 1981, a depuis lors côtoyé des concitoyens de l’ethnie Batwa. « Touchée » par la situation de misère qui pèse sur les membres de cette communauté, Lidwine Bigirimana a pensé à une chose : regrouper des femmes autochtones ne fut-ce que pour changer leur mode de penser. Elle a alors commencé avec sept femmes.
« Avant, les Batwa n’allaient pas se faire soigner quand ils tombaient malades. Les femmes de cette communauté ignorent la consultation prénatale. Les enfants n’étaient scolarisés que très rarement. J’avais envie, en organisant un petit groupe de femmes Batwa, de les aider à sortir de cette impasse », raconte-t-elle.
De manière assistée, le groupe s’est alors lancé dans la poterie et a commencé par la fabrication de briques en adobe. Vendues à bas prix certes, les revenus issus de cette vente ont contribué à l’approvisionnement en nourriture pour les ménages batwa et à l’achat du matériel scolaire pour les enfants qui acceptaient d’être scolarisés. Les mamans du groupe Batwa préparaient les repas depuis le chantier.
C’est cet esprit de solidarité qui a donné naissance au nom de l’association : Garukirabatwa. Cette unité dans l’action aide ces femmes à penser, au-delà de la poterie, à d’autres initiatives plus rentables et, de là, pouvoir être plus autonomes et renoncer à la mendicité.

La fabrication de briques, pas un choix du hasard

Musigati étant la commune la plus productrice de briques dans toute la province de Bubanza, Madame Bigirimana dit avoir été inspirée d’une pratique courante de sa belle-famille : « J’assistais toujours là où les hommes exploitaient de l’argile pour la fabrication de briques. Ils étaient assistés par des femmes Batwa, mais avec une rémunération dérisoire. Ayant constaté qu’elles ont déjà démontré leur savoir-faire, je me suis dit que c’est possible que le travail soit beaucoup plus rémunérateur », a confié Lidwine, avant d’ajouter que la production n’était pas non plus grande.
Elle indique qu’à cette époque, un lot de 1000 briques était vendu à seulement 30 000 francs burundais. Actuellement, le même lot est à au moins 50 000 francs burundais.

Un début difficile mais rassurant

Si Madame Bigirimana a eu un succès avec son initiative, les débuts n’ont pas été faciles. Au départ, il y avait eu un souci avec le manque de bois pour la cuisson des briques. Les fours étaient alors allumés par de moyens rudimentaires, à l’aide des souches d’arbres trouvées dans les propriétés des particuliers.
« Trouver la matière première n’était pas choisie facile. Afin de trouver un capital pour l’achat de troncs d’arbres nécessaires à la cuisson de nos briques, j’ai eu l’idée d’organiser mon groupe pour des labeurs dans des champs des gens riches de la localité. Du maigre salaire collecté, nous avons commencé à faire de petites épargnes qui ont constitué notre capital ».
Petit à petit, le groupe a grandi et est même devenu remarquable auprès des administratifs à la base. Il s’est transformé en une association dénommée « Garukirabatwa ». L’association a fait de l’écho au point d’attirer l’attention des femmes actrices de la paix (abakanguriramahoro) de Bubanza qui ont mobilisé des ressources financières en sa faveur de la part des amis résidents aux Etats-Unis d’Amérique . Aujourd’hui, l’association est stable et détermine à en finir avec la mendicité des Batwa. Pour Madame Bigirimana, les femmes sont aussi capables et ne doivent pas dépendre totalement de leurs maris.

Pour les femmes Batwa, et finalement pour toutes

Spéciose Nshimirimana, une des femmes Batwa du groupe dit avoir longtemps vécu avec ses consœurs de la poterie, qui selon elle, est moins louable et même faisait objet de moquerie par l’entourage. En même temps, elle dénonce l’exploitation qu’elles subissent dans les champs des richesses de la localité.
« Avec l’idée de Madame Bigirimana, nous avons découvert qu’il ya moyen d’améliorer notre vie. Nous avons décidé de nous lancer dans la fabrication des briques. Nous avons depuis lors gagné de l’estime grâce à ce que nous gagnions par jour. Nous ne sommes plus discriminés ici à Gahise puisque nous nous débrouillons pour notre vie. Certains d’entre nous se sont achetés du petit bétail qui donne du fumier pour l’agriculture », confie et se réjouit Madame Nshimirimana, avant d’ajouter qu’elle a un projet avec son mari d’acheter une moto et mettre tous ses enfants dans les meilleures écoles de Bubanza.
Quant à Clémence Niyokwizera, une autre femme de la communauté batwa, elle regrette d’avoir manqué à maintes reprises où écouler les pots au point de vouloir les casser. Depuis qu’elle a été engagée par l’association pour le transport des briques adobes, elle envie l’expérience d’autres femmes du groupe et s’imprègne petit à petit de la technique. « Aujourd’hui, j’ai une rémunération grâce à l’initiative géniale de Madame Bigirimana. », se réjouit-elle
De son côté, Butoyi, un homme mutwa de 43 ans, père de huit enfants et qui vit à Gahise, il salue le fait que ce chantier de fabrication de briques permet même aux hommes de trouver du travail. « Nous agissons en complémentarité : nous les hommes qui sont physiquement forts contrôlent le transport de toutes ces briques et les chargéons dans des camions. Comme ça,les femmes donnent du boulot à leurs époux et les couples s’épanouissent ensemble et contribuent à tous à la vie des ménages », se réjouit-il.
Interrogée à propos, Francine Minani, la cheffe de la colline Musigati fait savoir qu’avec ce site de fabrication de briques, la localité connaît moins de lamentations relatives aux cas de vols dans les champs et dans les ménages qui, souvent, étaient attribués aux Batwa. Elle ajoute que la commune en profite aussi pour les impôts. Elle évalue positivement les conditions de vie de ses administrés et considère que la fabrication de briques en est un des meilleurs facteurs. Elle encourage le projet de Madame Bigirimana qui, selon elle, est une expérience qui permet de mettre fin aux différences ethniques dans la population et de renforcer la cohésion sociale pour le développement. Elle envisage sa mise à échelle sans d’autres localités.

Un rêve achevé, d’autres ambitions

Quoi qu’elle face de son mieux pour contribuer à l’amélioration des conditions de vie des ménages des autochtones, Madame Bigirimana regrette qu’il y ait encore des Batwa qui manquent encore de logements décents, de terres cultivables à Bubanza alors qu’elle J’entends à la radio que les autochtones des autres provinces sont appuyés. Face à ce manque d’équité qui garde les autochtones dans l’infériorité, elle a un rêve : « Je ne rêve qu’à l’épanouissement, l’estime de soi et le relèvement économique de la femme autochtone. Je rêve qu’aucune femme ne vivra plus jamais de la mendicité. Je rêve ce site transformé en une briqueterie moderne qui desservira toutes les communes de Bubanza ».
Pour sa part, l’administration communale de Musigati apprécie la bravoure et l’exemple de Madame Bigirimana et promet un encouragement sans réserve en étendant ses initiatives sur d’autres collines. Le conseiller chargé du développement et des affaires économiques de l’administrateur communal, Monsieur Georges Nahimana, affirme que c’est un moyen alternatif pour sortir les habitants, surtout les ménages plus démunis, de la misère.
L’association « Garukirabatwa » de Gahise en commune Musigati réunit actuellement une trentaine de femmes employées dans la fabrication de briques. Pour marquer de sa visibilité et améliorer encore de plus ses revenus, le groupe vient d’innover en créant un club de danses traditionnelles les plus sollicitées pour les fêtes publiques, mariages et consort.

Par Nolis Nduwimana

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