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Port de Bujumbura : La hache de guerre déterrée

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Deux mois de salaire non versés aux employés de l’AMPF. Voilà l’origine du nouveau conflit entre l’AMPF et Global Port Services Burundi (GPSB). La colère est au paroxysme à l’AMPF. « C’est la faute à GPSB », ressassent ses employés.

AMPF reproche à GPSB d’avoir usé de son influence pour faire annuler les ordonnances qui lui permettaient de percevoir des redevances en supplément des dotations budgétaires. Ses griefs sont condensés dans une « note sur le conflit entre l’AMPF et GPSB sur la gestion du port de Bujumbura ».

Dans ce texte, il ressort que le ministre de tutelle a adopté le 18 mai et le 28 décembre 2015 deux ordonnances permettant à l’AMPF de collecter des redevances portuaires et maritimes en application de l’article 25 du décret du 5 juin 2012 portant révision du décret du 4 octobre 2011 portant création, mission et fonctionnement de l’AMPF. Ces ordonnances inspirées de textes locaux et sous régionaux ont été approuvées par le Conseil des ministres.

Le rouleau compresseur

Fait intriguant : à la publication de ces deux ordonnances, « GPSB s’active par des correspondances et sur le terrain pour s’opposer à leur mise en application », affirme AMPF. Celle-ci engage la vitesse supérieure : elle refait surgir à la surface un autre point de discorde : GPSB occupe illégalement des immeubles de l’AMPF.

Dans un premier temps, le ministère de tutelle et même la deuxième vice-présidence donnent gain de cause à l’AMPF.

Tous réclamaient la remise de ces bâtiments.

La deuxième vice-présidence va même plus loin. Le 3 février 2016, le cabinet du deuxième vice-président recommande au ministère des Transports de « mettre en place une commission d’analyse de la convention de concession que brandissait GPSB comme texte de référence au port de Bujumbura, alors que c’est cette même convention qui constituait l’origine du conflit entre GPSB et AMPF ».

Surprise ! Le 2 juin 2016, le ministre de tutelle annule les décisions permettant à l’AMPF de collecter des redevances. Déception à l’AMPF, victoire chez GPSB.

« Une société fictive »

Dans son désarroi, AMPF décoche une autre flèche : GPSB est une société illégale autant que la convention de concession.

Selon le décret du 27 novembre 2012 portant autorisation de l’Etat du Burundi à participer au capital de la société GPSB, le capital social de la société est de 10, 2 milliards. Il est stipulé que les apports de l’Etat ne peuvent excéder 10%, l’autre partie étant réservée aux privés.

Or, la société SECOMIB, qui a remplacé Global Port Services Companies pour former avec l’Etat burundais GPSB, n’a apporté que 900 millions contre 100 millions pour le second. La part de ce dernier consiste dans l’équipement utilisé au port. AMPF estime cet équipement à 2 milliards.

Pour AMPF, GPSB n’existe donc pas légalement. Mais elle tire les dividendes de l’exploitation du port alors qu’elle n’a presque rien investi. « Nous observons impuissamment à un pillage des fonds de l’Etat savamment organisé et minutieusement mis en œuvre par les gestionnaires de la société GPSB … Ce pillage se matérialise en un détournement de plus de 350 millions de Fbu par mois », se désole l’AMPF.


« Qu’elle s’en prenne à elle-même »

GPSB persiste et signe qu’elle est le concessionnaire légitime et juge non fondées les éternelles accusations de l’AMPF.

Bonaventure Sinzobakwira : « L’AMPF n’a pas le droit de percevoir des redevances au port de Bujumbura. »

Documents et textes légaux à l’appui, Bonaventure Sinzobakwira, directeur général de GPSB, est catégorique : « La société GPSB est la seule habilitée à percevoir des redevances sur les usagers du port de Bujumbura, car il nous est légalement concédé. »

Selon lui, « sur les activités portuaires, et dans un port concédé, l’AMPF n’a pas le droit de percevoir des redevances. » Sa mission est bien définie par le décret n°100/162 du 05/06/2012 portant révision du décret n°100/252 du 04/10/2011 portant création, organisation, missions et fonctionnement de l’AMPF.

Bien plus, selon le directeur général, l’article 357 du Code de la Navigation et du Transport lacustre stipule que la liste des droits de port est établie par le ministre des Transports sur proposition du concessionnaire. Cette liste doit être aussi soumise à l’homologation des ministres ayant les finances et les transports dans leurs attributions.

Or, comme société concessionnaire, GPSB n’a pas proposé une quelconque redevance, pointe M. Sinzobakwira. Bien plus, les ordonnances instituant les nouvelles redevances ont été signées par uniquement le ministre des Transports. « Les dispositions prises après violation de la procédure, doivent ipso facto être frappées de nullité », martèle-t-il.

Concluant sur cette question, le directeur général fait remarquer que les ordonnances instituant les redevances à percevoir par l’AMPF ont été annulées par l’autorité habilitée.

Des locaux pour se faire rembourser

Au sujet des locaux que GPSB occuperait illégalement, M. Sinzobakwira ironise : « Ces locaux ne font pas partie certes de la convention. Mais ils ne sont pas non plus le patrimoine de l’Etat du Burundi même si l’Etat est subrogé dans les droits et obligations de l’ex-EPB d’après la convention de concession de 2004 entre l’EPB et l’Etat du Burundi ». Ils appartiennent à l’ancienne Exploitation du port de Bujumbura (EPB) comme les certificats d’enregistrement le prouvent.

Or, remarque-t-il, à la création de GPSB, l’EPB n’a pas payé les indemnités à son personnel qui a été récupéré par GPSB. En concertation avec le ministre des Finances, GPSB a indemnisé ce personnel à hauteur de 236 millions quitte à récupérer cet argent sur le produit de la liquidation de l’EPB. Les loyers perçus sur ces immeubles qui sont la propriété de l’EPB constituent les fonds de cette dernière. Comme GPSB a payé des indemnités au personnel que l’EPB n’avait pas pu régler à sa cessation des activités, les dispositions de l’article 93 du Code du Travail placent GPSB en position de privilégié pour être remboursé sur ces loyers du montant payé au personnel au nom de l’EPB. «Nous allons continuer à nous faire rembourser sur ces loyers jusqu’au recouvrement du dernier sou », indique M. Sinzobakwira.

Au sujet du détournement de 350 millions par mois, M. Sinzobakwira répond : « GPSB a déjà porté plainte en justice contre les auteurs de ces allégations. »

 

 

 

 

Iwacu

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